mercredi 8 février 2012

L’erreur de positionnement politique qui fera perdre Sarkozy


En 2007 Sarkozy est devenu président de la République en grande partie grâce à la récupération d’électeurs FN.
Dans une situation inconfortable au regard des études d’opinions pour une éventuelle réélection, Nicolas Sarkozy a succombé à la tentation de réitérer la même stratégie pour 2012.
Or, plusieurs éléments indiquent que cette stratégie ne fonctionnera pas cette fois-ci et mettra en péril sa réélection.

Un discours décomplexé et populiste,  clé du succès de 2007
Le succès de la campagne de Sarkozy en 2007 reposait sur deux éléments fondamentaux :
-           tout d’abord il parvint à mobiliser et surtout à rassembler l’ensemble de sa classe politique, en mettant en avant un programme réformateur et un volontarisme lui permettant de s’inscrire en rupture avec la politique menée par le Chef d’Etat de l’époque : Jacques Chirac.

-          Mais surtout il parvint  à mobiliser au-delà de son électorat grâce à un discours de défense des classes populaires, via la défense de leur pouvoir d’achat et la promesse d’une meilleure protection contre les immigrés et la délinquance, thèmes qu’il mélangea volontairement pour un effet garanti.
 Ce discours décomplexé, populiste, va permettre à Sarkozy d’élargir son spectre d’électeurs potentiels en déplaçant le curseur vers l’extrême droite.
Cette stratégie de rassemblement de la droite et d’une partie de l’extrême droite, accompagnée d’une stratégie de communication efficace et d’un adversaire sans épaisseur lui permet d’accéder à la plus haute fonction de l’Etat le 6 mai 2007.

Les promesses de 2007 sont les illusions de 2012
Alors que la campagne de 2007 peut-être considérée comme particulièrement réussi d’un point de vue purement stratégique, à l‘inverse la stratégie adoptée par Nicolas Sarkozy pour gagner l’élection présidentielle de 2012 est l’annonce d’un échec probable. Au-delà de son bilan, discutable et qu’il devra défendre, nous reviendrons surtout sur la stratégie de son positionnement politique pour 2012.
En effet, Nicolas Sarkozy a commis l’erreur de penser qu’en reprenant les mêmes éléments qu’en 2007 il parviendrait de nouveau à rassembler l’ensemble de son camp, élargi à l’extrême-droite. Or sa stratégie clivante ne fonctionnera pas pour trois raisons :
  •           Aujourd’hui le Bilan de Sarkozy s’est substitué aux promesses de Campagne. Et s’il a pu séduire des électeurs du FN en 2007 avec son discours sécuritaire et son activisme (agitation ?) au ministère de l’intérieur, il n’a en revanche aucun résultat à promouvoir dans ce domaine pour la campagne de 2012. Deux exemples, de natures différentes, peuvent illustrer cette absence de résultats en matière de sécurité. Un exemple, factuel, est le rapport de la Cour des Comptes du 7 Juillet 2011 (lien : http://www.ccomptes.fr/fr/CC/documents/RPT/Rapport_public_thematique-securite_publique.pdf ) qui indique que les effectifs dans la police et la gendarmerie ont baissés de 5,3 % au niveau national depuis 2003 contrairement aux promesses de Sarkozy en 2007. Il indique également que seules les municipalités les plus riches ont pu augmenter les effectifs de leur police municipale, qui au-delà d’être injuste est inefficace puisque l’insécurité la plus importante se trouve dans les villes ayant le moins de ressources.
  • Un autre exemple, du domaine du ressenti des citoyens, est très révélateur également : un sondage Ifop pour France Soir en Juin 2011 indiquait que 74% des personnes interrogées ont le sentiment que la délinquance a augmenté au cours des derniers mois. Aux vues de ce constat, Sarkozy ne pourra capitaliser sur ce thème qui avait grandement contribué à son succès en 2007.


  •           L’autre point important est que sa stratégie de clivage est allée beaucoup trop loin, au point de choquer une partie des électeurs votant traditionnellement à droite. Ainsi, son discours de Grenoble en Juillet 2010, sa politique de stigmatisation et de renvoi des roms, la manière dont le débat sur l’identité nationale a été mené sont autant de points qui lui ont fait perdre une partie de son électorat centre-droit et chrétien.


  •           Enfin, l’image que reflète Sarkozy a nettement évoluée au cours du quinquennat. Alors qu’en 2007 il défendait cette France qui se lève tôt, ces classes populaires à qui il souhaitait donner plus de pouvoir d’achat et améliorer leur sécurité, tout bascule dès le soir de son élection. En effet, comme si le fait de quitter son habit de candidat lui retirait tout son sens politique,  Sarkozy  va accumuler les fautes, du Fouquet’s à la candidature de son fils à l’Epad, du Yacht de Bolloré sur lequel il séjourne pour fêter sa victoire au bouclier fiscal. Dès lors Sarkozy est l’ami des riches et des puissants, celui qui aime l’argent et le pouvoir et qui privilégie les mesures favorables à ses amis plutôt qu’à ses électeurs.


Cette stratégie aboutit aujourd’hui à une impasse : à mesure que sa perte de crédibilité auprès des électeurs FN s’accentue, lui faisant perdre des points dans  les enquêtes d’opinions au profit du FN, Sarkozy s’entête en se positionnant toujours plus à droite de l’échiquier, certain de pouvoir les reconquérir.

La perte de crédibilité de Sarkozy l’enferme dans un cercle vicieux
Il s’agit là d’une grave erreur stratégique : plus il se déplace sur la droite, plus le score du FN augmente, et il interprète cela comme une légitimation de sa politique clivante alors qu’en réalité si le score du FN monte c’est parce que l’UMP occupe le terrain médiatique avec les thèmes du FN, mais sans récupérer d’électeurs du fait du manque de crédibilité de Sarkozy évoqué plus tôt. En conséquence, par sa stratégie Sarkozy fait monter le FN  en devenant son porte-parole sans le vouloir.

Ainsi le graphique ci-dessous retrace l’évolution des opinions positives de Marine Le Pen et de Nicolas Sarkozy sur ces 30 derniers mois. On s’aperçoit nettement que la montée du FN est forte et durable tandis que Sarkozy ne parvient jamais à inverser la tendance, c'est-à-dire à récupérer des électeurs au détriment de sa première concurrente à droite. (1)



Un autre sondage témoigne même du contraire : Marine Le Pen séduit les électeurs de l’UMP : ainsi selon une étude publiée par TNS Sofres en Janvier 2011 le nombre de sympathisants de l’UMP qui adhère aux idées du FN passe de 20% en 2010 à 32% (2)

Les français attendent le rassemblement plutôt que le clivage
Asphyxié par cette stratégie contre-productive Nicolas Sarkozy n’a jamais évalué l’opportunité d’un déplacement politique vers le centre. Or, deux exemples soutiennent l’idée que la clé d’une élection se trouve au centre. Tout d’abord le très bon score de Bayrou en 2007, qui a fait une progression spectaculaire durant la campagne pour finalement obtenir 18,5 % des voix. L’autre exemple est Dominique Strauss-Kahn, qui avant ses déboires que l’on connait était en position de grand favori pour gagner, alors qu’il avait un positionnement plus au centre qu’à gauche, preuve que l’électorat est moins polarisé qu’on ne le croit.  La popularité de plusieurs personnalités de centre-droit – Borloo, Fillon, Villepin… - confirme l’attrait des citoyens pour le rassemblement, qui est d’autant plus vrai en période de crise ou il y a une volonté d’unité nationale.

Mais Sarkozy n’a jamais voulu reconnaître l’opportunité d’une telle stratégie, et a préféré s’enfermer dans ses calculs politiques  en ne se positionnant que par rapport à ses adversaires plutôt qu’en répondant aux attentes de ses concitoyens.

Hollande a au contraire emprunté le couloir central laissé libre par Sarkozy en prônant le rassemblement, poussant Sarkozy à la faute en l’obligeant à accentuer toujours plus sa stratégie du clivage. En affirmant le 10 Janvier que « toutes les civilisations ne se valent pas », Guéant a-t-il commis la première faute de la campagne?

JAC


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Un peu de biblio :
 (1)Graphique réalisé par JAC sur la base des chiffres donnés par Sondages en France